Encore quelques jours pour voir l’exposition de Jaume Plensa au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole, qui se termine le 17 septembre. Le présent article s’appuie par ailleurs sur la mémoire des expositions de l’artiste à la Basilique de San Giorgio Maggiore et à l’Officina dell’Arte Spirituale à Venise en 2015 et à la galerie Lelong à Paris en 2016.
De l’espace pénétrable à l’espace intérieur.
Parmi mes premières rencontres avec l’œuvre de Plensa, j’ai gardé un souvenir très vif de la découverte, dans l’oliveraie de la Fattoria di Celle à Santomato di Pistoia, d’une double cabine de briques de verre, deux espaces séparés que l’on pouvait pénétrer par deux portes. Sur les briques de la paroi mitoyenne étaient gravés des adjectifs d’usage courant, de sorte que lorsque l’un apparaissait sur une face, son contraire était lisible, par transparence et à l’envers, sur l’autre face d’une brique voisine. « La friction des opposés, dit l’artiste, m’a toujours fasciné ». La nuit, l’œuvre s’illuminait, mais cela, je ne l’ai pas vu…
S’annonçaient là deux directions majeures dans l’art de Jaume Plensa. D’une part, celle qui fait appel à l’image du corps, avec une longue série de « cabines » à l’échelle humaine, tout à la fois réceptacle du corps du spectateur et symbole de l’intériorité, et qui conduira à la représentation de la seule tête : « La tête, dit l’artiste, est le résumé du corps. Le grand lieu ». D’autre part, celle qui fait appel au langage et à l’écriture. J’en ai découvert récemment par hasard un exemple dans la ville d’Auch : une longue citation biblique en latin relatant le déluge, sur le vaste palier d’un escalier monumental, non loin de la cathédrale, et datant de 1992. Parfois les deux thématiques se rejoignent, comme dans ces personnages d’acier qui se prolongent par des phylactères, ou encore ces silhouettes creuses, parfois géantes, entièrement constituées d’une dentelle de lettres.
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